Je remercie pour l’interview Michel Verlinden (Instagram michel.verlinden_) et le magazine Le Vif Weekend (Instagram levifweekend)
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La cucina povera, littéralement «cuisine pauvre», est bien plus qu’un simple retour aux traditions paysannes de l’Italie rurale. Il s’agit plus globalement d’une manière d’accommoder les produits simples et locaux tout en limitant le gaspillage… peu importe où l’on se trouve. Si cette approche culinaire existe depuis des siècles, l’expression n’a vu le jour qu’au début desannées 70 dans le sillage de l’arte povera, pratique artistique consacrant les oeuvres forgées à même une matière brute le plus souvent caractérisée par des matériaux modestes et des rebuts de la société
de consommation. Historiquement, cette cuisine est surtout liée aux régions les plus pauvres du sud de l’Italie, où les habitants devaient se contenter de ce que la nature leur offrait. Laura Zavan précise: «Dans le sud, les pâtes sont souvent sans oeufs, car ces derniers étaient rares et coûteux»… versus un nord, plus prospère, où l’on pouvait se permettre de les incorporer dans la préparation des pâtes fraîches.
Rien ne se perd…
L’un des fondements de la cucina povera est la récupération et la transformation des restes. Laura Zavan souligne: «Rien ne se perd, tout se transforme», un adage qui résume parfaitement cette cuisine. Le pain rassis, par exemple, est au centre de nombreuses recettes, comme le «pancotto», une soupe rustique qui recycle les miches en les trempant dans un bouillon de légumes, assaisonné d’huile d’olive et d’herbes. Autrefois, cette recette simple nourrissait des familles entières.
Ce respect des ingrédients se retrouve également dans la «pappa al pomodoro», une soupe de pain et de tomates, ou la «ribollita», un plat de légumes et de pain réchauffé. Le rôle central des légumineuses dans cette cuisine s’avère tout aussi crucial. Haricots, pois chiches et lentilles étaient essentiels pour apporter des protéines à des repas habituellement pauvres en viande. «Les légumineuses sont la base de la cuisine pauvre», insiste l’autrice. Elles s’associent parfaitement aux céréales, commedans la fameuse «pasta e ceci» («pâtes et pois chiches») ou la «pasta e fagioli» («pâtes et haricots»), des recettes emblématiques de la tradition italienne. Laura Zavan observe que cette cuisine, issue d’une sobriété de fait, reçoit un écho particulier dans le contexte qui est le nôtre. «Aujourd’hui, on sait qu’il est préférable de manger moins de viande et de privilégier les légumineuses aux protéines animales», explique-t-elle.
Une cuisine diverse
Ce retour de la cucina povera s’observe désormais dans un nombre croissant de restaurants en vue qui concilient ainsi quête d’authenticité et respect des ressources. Loin des clichés des pizzas et des pâtes carbonara, des chefs inspirés s’emploient à faire découvrir d’autres facettes de la Botte à travers des plats moins connus.
Menant un véritable travail didactique, ils s’efforcent de mettre en lumière des recettes qui, jusqu’à récemment, étaient cantonnées aux foyers italiens. Chaque région d’Italie égrène ses propres interprétations de la cucina povera, influencées par la géographie et le climat – les différentes provinces italiennes combinent les paysages (littoral, plaine, paysage de colline, voire montagne), ce qui n’a pas son équivalent pour créer une inépuisable variété de préparations.
Dans le nord, par exemple, des plats à base de céréales comme la polenta ou le risotto sont populaires, tandis que dans le sud, les légumes et les légumineuses dominent. Le radicchio de Trévise, les cime di rapa des Pouilles, et le chou noir de Toscane sont autant d’ingrédients locaux qui symbolisent la diversité de cette cuisine à travers le pays. Un obstacle à sa transcription en Belgique? «Certainement pas», répond l’Italienne installée à Paris qui recommande d’adapter les recettes en fonction des produits du marché. Loin d’être un objet de nostalgie, la cucina povera s’affirme comme une philosophie culinaire ayant traversé les âges et s’adaptant aux besoins de chaque époque. Par le biais de son ouvrage mais également via son site Internet et son compte Instagram, Laura Zavan montre que ce modèle n’est pas synonyme de privation, mais bien de créativité et d’ingéniosité.
Article paru dans Le Vif Weekend du 31/10/2024
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